Ils étaient, selon les organisateurs, 700 représentants de quelque 300 collectifs locaux ou minorités au sein de collectifs — sur quelque 800 existant en France — , qui se sont réunis ce week-end à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Ils ont choisi de faire de José Bové leur candidat. Une décision prise malgré les réticences de la plupart des membres du Collectif unitaire national opposés à la candidature de Marie-George Buffet, qui étaient à l’origine de cette réunion. Yves Salesse, Claude Debons, Clémentine Autain, Éric Coquerel ou Patrick Braouezec avaient émis des réserves à une nouvelle candidature. Le prérapport de la réunion, publié sur le site des collectifs indiquait qu’il « fallait savoir reconnaître » les difficultés que présente l’appel à la candidature Bové : « pas de consensus », une candidature qui « n’a pas vraiment été discutée » dans les collectifs. Il précisait que « la recherche d’un consensus est la seule compatible avec l’espoir fondateur de nos collectifs ».
Dès les premières interventions, il était clair que ces principes ne pèseraient pas lourd. L’absence de consensus, qui avait été invoquée en décembre lors de la réunion de Saint-Ouen pour bloquer la désignation de Marie-George Buffet malgré le choix d’une majorité de collectifs, n’a pas résisté face à la majorité pressante et bruyante de la salle, s’appuyant sur « la dynamique des 25 000 appels recueillis sur le Net pour Bové ». Jean-Pierre Moreau, du 12e arrondissement de Paris, donne le ton en demandant d’emblée qu’on décide « de la candidature de José Bové dès ce week-end ». Même demande pour Nadine Stoll, de Toulouse, qui estime que « la candidature de Bové recueille un consensus citoyen ». Raoul-Marc Jennard juge que « l’unité a été piégée par les appareils ». Pour Yannis Youlountas, un des initiateurs de l’appel à la candidature Bové, les signataires « sont à 90 % des gens invisibles », un public « populaire et protestataire ». Un autre, Rémy Jean, estime que « le rassemblement n’est pas un préalable mais un objectif ». Ces réflexions sont accompagnées souvent d’une « colère à l’égard du collectif national », sa « résignation », son « absence de courage », son « renoncement ». « La question de sa légitimité est posée », dit une représentante du Larzac.
Certains mettent des conditions à la candidature de José Bové : l’exigence qu’elle soit une candidature collective, ou qu’il soit porteur du programme des collectifs. D’autres expriment un soutien inconditionnel : « Oui à Bové même si tout le monde n’est pas d’accord », lance un militant parisien. « José, fais don de ton charisme aux collectifs ! », demande un participant de Blois. Le député François Assensi, le conseiller général Jacques Perreux, le conseiller régional d’Île-de-France Tarek Ben Hiba, le maire divers gauche de Limeil-Brévannes Joseph Rossignol, le sociologue Alain Bertho, appuient fortement la candidature Bové.
Souvent chahutés, des orateurs émettent des avis contraires. « La candidature Bové risque de diviser », avertit un militant de Cherbourg, tandis qu’un de Rouen affirme « qu’il n’y a pas de consensus sur la présidentielle ». Membre du collectif national, Jean-Luc Gonneau (Cactus La Gauche et PRS), indique que « la lecture des PV de 192 collectifs montre que José Bové ne fait pas consensus ». Christian Picquet, de la minorité de la LCR, se réfère à une « candidature trait d’union comme celles de Clémentine Autain ou Yves Salesse » et ajoute que « pour qu’une candidature soit celle des collectifs, elle doit être vecteur d’unité ». « On ne peut pas réduire le débat à la question pour ou contre Bové », tente Clémentine Autain. Elle affirme dans le brouhaha « que les conditions politiques pour donner à voir la diversité » sont « complexes ». Pour Yves Salesse, « on peut se mettre d’accord sur la candidature si elle est faite pour l’unité, pour conduire Marie-George Buffet et Olivier Besancenot à se retirer. Mais s’ils ne renoncent pas et si José Bové dans les sondages fait 4 % et les autres 2 % ou 3 %, il faudra réexaminer ». « Une candidature José Bové n’effacera pas celle de la LCR et celle du PCF. Ce sera une candidature de plus » et non une candidature unitaire, défend plus catégoriquement Éric Coquerel.
En fin d’après-midi, Claude Debons assure que José Bové peut être « le candidat de substitution », et propose de tenir des grands meetings autour du « candidat unitaire » avant de « faire le point en mars ». « C’est plié », glisse Éric Coquerel. Peu après, José Bové, qui à l’automne dernier s’était retiré du processus du choix de la candidature au sein des collectifs locaux, déclare aujourd’hui : « Quelque chose de tout à fait étonnant est en train de se passer. Je sens un petit picotement dans le ventre : si vous avez envie d’y aller, moi aussi, on a envie d’y aller ensemble. » Il annonce qu’il se déclarera « avant le 1er février », après avoir vérifié que « tous les paramètres sont réunis » : « la mise en mouvement des collectifs », « la mise en mouvement des pétitionnaires » et le soutien d’élus. Une motion engageant les collectifs unitaires dans la campagne de José Bové est adoptée, malgré l’opposition du MARS, de la gauche républicaine et de Jean-Luc Gonneau qui décident « de ne pas en être des acteurs durant la présidentielle ».