Une femme palestinienne réagit en portant un garçon blessé après un bombardement israélien dans le centre de la ville de Gaza, la semaine dernière.
Il est révolu le temps où nous nous vantions à chaque visiteur ou visiteuse étrangère que notre salutation commune était la « paix » [shalom en hébreux]. Quelle autre nation dit « paix » partout où elle va ? Il n’y a que nous, les partisan·es de la paix. C’est ce qu’on nous a dit et c’est ce que nous avons cru. Oups, les Arabes et les musulman·es disent aussi salaam. Mais ça, ils n’ont pas pris la peine de nous le dire à l’époque.
Nous sommes les plus grands défenseurs /défenseuresses de la paix au monde, et regardez ce que ces méchants nous ont fait. Lorsque nous sommes apparu·es dans des délégations de jeunes devant les communautés juives des États-Unis, nous avons dansé la hora avec des chemises brodées au son du « Chant pour la paix » - pour quelle autre danse des jeunes Israéliens ? - et les Juifs et juives enthousiastes ont essuyé une larme.
Quelle nation ! Quelle aspiration à la paix ! Nous sommes les pacifistes, et les Arabes sont des bellicistes. C’est ce qu’ils nous disaient quand nous étions enfants. C’est ce que nous nous sommes dit à nous-mêmes et au monde, qui y a même cru un instant.
Israël veut la guerre. Aujourd’hui, il le dit explicitement, sans faux-semblant et sans travestissement. Autant de guerre que possible dans les paroles du gouvernement, autant de guerre que possible dans les paroles de l’opposition. Plus de guerre même dans la bouche des manifestant·es sur les places, qui ne réclament certainement pas le contraire. Elles et ils veulent seulement un arrêt de la guerre pour libérer les otages et chasser Benjamin Netanyahou, et ensuite, selon elles et eux, nous pourrons retourner aux champs de bataille pour toujours.
Toujours plus de tueries, toujours plus de destructions. La soif de vengeance et la soif de sang sont enveloppées d’une foule de déguisements, d’excuses et de considérations. Certaines d’entre elles peuvent être comprises depuis le 7 octobre, qui nous a fait sortir du placard.
Le tableau peut être compliqué, mais on ne peut pas estomper le fait écrasant que le monde entier veut mettre fin à cette guerre, à l’exception d’un seul État. La quantité de sang que cet État veut verser n’a pas encore été atteinte. Ce désir, enveloppé dans la cause de la destruction du Hamas, ne sera de toute façon pas accompli. Qu’y a-t-il d’autre à penser qu’Israël veut tuer et détruire à Gaza pour le plaisir de tuer et de détruire ? Tel est l’objectif.
On peut arguer que si nous ne détruisons pas le Hamas, la guerre se poursuivra éternellement et que, de toute façon, il s’agit d’une guerre pour la paix. Mais on ne peut pas croire cela quand il n’y a pas de plan stratégique derrière la soif de guerre. Il ne reste donc que la stricte vérité : Israël veut tout simplement la guerre. La gauche, la droite et le centre aussi. Tout le monde.
Soldats israéliens sur un char d’assaut dans la bande de Gaza en février.
La situation est terrible. D’abord, nous avons supprimé la paix en tant que valeur, en tant qu’objectif et vision, et maintenant nous avons fait de la guerre une valeur pour laquelle nous devons nous battre contre le monde entier. Quelques-un·es contre beaucoup, nous nous battrons pour notre droit à la guerre. Le petit nombre contre la multitude, nous nous battrons pour notre droit de tuer et de détruire sans discernement.
La plus grande menace qui pèse aujourd’hui sur Israël est d’arrêter la guerre. Où irons-nous ? On a oublié que la guerre est l’invention humaine la plus démoniaque. Faire la paix, pas la guerre - c’est pour les crédules et les stupides. La poursuite de la guerre est ce qui unit Israël dans un lien étroit. Nous sommes prêt·es à payer n’importe quel prix pour continuer la guerre, y compris à ruiner les relations avec les États-Unis, qui ne sont pas vraiment des pacifistes renommés, ce qui est également exigeant : Assez.
C’est la soif de guerre, et rien d’autre. Non seulement personne ne nous l’impose, pas même l’horrible 7 octobre, mais, de toutes les nations, c’est nous qui l’avons choisie. Et nous, entre toutes les nations, avons choisi de continuer à la faire, sans aucune résistance de la part d’Israël. Nous devons avoir Rafah, puis Baalbek, et nous retournerons ensuite dans le nord de la bande de Gaza parce que nous le devons. Nous devons le faire. Et puis Téhéran sera un must aussi, parce qu’il n’y a pas d’autre choix.
Pourquoi, que suggérez-vous ? La reddition ? L’anéantissement ? L’holocauste ? Israël veut de plus en plus de cette guerre. Nous pensons que c’est permis et que cela nous fait du bien.
Gideon Levy