La neige recouvrant Paris aux premiers jours de Janvier a été propice à une agréable découverte, avec grâce à elle la vérification et l’attestation de la présence du renard roux au cœur du Jardin des Plantes. De nombreuses voies et empreintes de l’animal ont en effet d’abord été mises en évidence le 7 Janvier près du jardin alpin, puis observées dans différents endroits les jours suivants. Les premières coulées ont été observées le long de la grande allée latérale qui dessert notamment les serres tropicales. Dans cette zone, et près du kiosque proche, les empreintes étaient facilement observables en association avec d’autres de fouine (Martes foina) et de mulot sylvestre (Apodemus sylvaticus). D’autres coulées étaient visibles près de l’entrée Valhubert. Le nombre important d’empreintes découvertes, de même que la facilité de leur lecture dans la neige, permettent d’être certain de la diagnose. De plus leur répartition à découvert dans deux secteurs opposés autorise l’hypothèse d’une fréquentation de la totalité du Jardin par le petit carnivore sauvage.
Les empreintes du renard sont tout à fait caractéristiques et peuvent être distinguées des empreintes du chien domestique. L’un des critères élémentaires tient dans la distribution des éléments qui composent chaque ensemble. A la différence du chien, les creux marquant l’empreinte des coussinets des doigts ne sont pas tous au contact de la partie centrale chez le renard. Chez le chien, tous se répartissent autour en un demi-cercle. Chez le renard, seuls les doigts latéraux apparaissent au contact de la partie centrale, les doigts antérieurs, très en avant, semblent s’en déconnecter. On pourra retenir l’idée de losange pour l’empreinte de renard et celle d’un ensemble circulaire pour le chien.
La diffusion interne de cette information a été l’occasion de la collecte de témoignages antérieurs et complémentaires sur la présence de l’animal aux abords directs et à la périphérie du Jardin. Un individu vivant a notamment été observé en 2008 sortant du Jardin de Buffon vers la rue Geoffroy Saint-Hilaire, face au parvis de la Grande Galerie de l’Evolution. Un autre témoignage indique la présence « 10 ans auparavant » d’un cadavre sur les quais de Seine à la hauteur de l’entrée de la ménagerie.
Le retour du renard est un phénomène que connaissent de nombreuses villes européennes, et notamment l’agglomération parisienne. L’espèce recolonise ainsi de façon tout à fait naturelle les secteurs urbains et péri-urbains dont le développement humain l’avait chassée. Modifiant sont comportement et ses habitudes alimentaires, l’animal trouve au cœur des agglomérations toutes les ressources nécessaires au développement de ses populations. Il gite de façon préférentielle dans les espaces en marge et délaissés par nous-mêmes : talus des infrastructures de berge et routières, terrains vagues, parcs fermés la nuit... Les déchets alimentaires nombreux lui assurent le couvert.
A Paris, deux continuités paysagères lui ont permis de gagner le cœur de la ville : les berges de Seine et les voies ferrées. Par ces dernières et en longeant les talus, les animaux en dispersion peuvent coloniser de nouveaux territoires éloignés de leur lieu de naissance, dans un transit très sécurisé.
Au Jardin des Plantes, ces quelques observations n’ont pour le moment permis que de vérifier la présence de l’animal, mais ni de dater son occupation ni d’en préciser le statut. Les empreintes découvertes étaient-elles celles d’un animal erratique ou de plusieurs individus installés ? Une prospection systématique permettrait probablement de vérifier l’installation de groupes familiaux pérennes, le parc disposant de nombreux atouts paysagers favorables au renard. En ce sens une recherche de terriers pourrait être entreprise, au jardin écologique notamment. La spatialisation de la fréquentation pourrait elle être établie grâce à l’implantation de pièges à empreintes, disséminés dans l’ensemble du jardin.
Par Alexis Martin, Muséum national d’histoire naturelle
Pour en savoir plus :
Le renard roux
par Denis-Richard Blackbourn,
Editions Eveil Nature
Encyclopédie des Carnivores de France, Fascicule 3 : Le renard roux
par M. Artois,
Société française pour l’étude et la protection des Mammifères
Guide des curieux de nature en ville
par Vincent Albouy
Editions Delachaux et niestlé